De l'apogée à l'effondrement : anatomie d'une chute
Le règne Incontesté du BlackBerry (2005-2008)
La domination de BlackBerry n’était pas le fruit du hasard. L’entreprise avait construit sa réputation sur des atouts solides :
- Une sécurité inégalée des communications (prisée par les gouvernements)
- La fiabilité de son réseau propriétaire BlackBerry Messenger
- Un clavier physique QWERTY devenu emblématique
- Une autonomie de batterie supérieure à la concurrence.
Autant d’atouts qui permettront à l’entreprise en 2009 …
- de disposer de 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires
- de représenter 43% du marché américain des smartphones
- et de vendre alors 50 millions d’appareils chaque année.
L'Aveuglement Stratégique (2007-2013)
Selon une étude du cabinet McKinsey d’avril 2024 , 76 % des entreprises qui subissent un déclin majeur présentaient des signaux d’alerte évidents au moins deux ans avant leur chute. BlackBerry n’a pas fait exception.
Les biais et les pièges propres au syndrome du succès
Les erreurs stratégiques de BlackBerry illustrent parfaitement ce que les experts appellent « le syndrome du succès » :
- Le déni de la rupture technologique : Quand Steve Jobs a présenté l’iPhone en 2007, les dirigeants de BlackBerry l’ont qualifié de « gadget destiné aux consommateurs », sous-estimant fatalement l’impact de l’écran tactile et de l’expérience utilisateur.
- L’incapacité à créer un écosystème : Alors qu’Apple et Google construisaient des plateformes d’applications robustes, BlackBerry a persisté dans une approche fermée qui a progressivement isolé et enfermé ses produits.
- La paralysie décisionnelle : La structure bicéphale de l’entreprise (avec deux co-PDG) a conduit à des retards critiques dans les décisions stratégiques.
En 2013, la part du marché mondial de BlackBerry était tombée sous la barre des 1%, marquant alors l’un des déclins les plus rapides de l’histoire des entreprises technologiques.
La renaissance : un modèle de pivot stratégique
Le pivot de rupture (2016/2020)

John Chen, un leadership transformationnel
Président exécutif et chef de la Direction de Blackberry de 2013 à 2023.
Le rôle de John Chen dans la renaissance de BlackBerry illustre l’importance d’un leadership engagé en période de crise. L’étude Gallup d’août 2024 confirme que les organisations dotées d’un leadership transformationnel présentent une résilience supérieure de 23% lors des périodes de turbulence.
Cette transformation, orchestrée et pilotée par John Chen, s’est articulée autour de trois axes stratégiques :
- L’exploitation des actifs immatériels : BlackBerry a capitalisé sur ses brevets (plus de 38 000) et son expertise en cybersécurité, un atout de plus en plus précieux à l’ère des cyberattaques.
- Le ciblage de marchés émergents à forte valeur ajoutée :
- La sécurité des communications d’entreprise
- Les logiciels embarqués pour l’industrie automobile (QNX)
- Les solutions IoT (Internet des objets) pour les infrastructures critiques
- Une stratégie d’acquisition ciblée : L’achat de Cylance pour 1,4 milliard de dollars en 2021 a permis à BlackBerry d’intégrer des technologies d’IA avancées dans ses offres de cybersécurité.
La rédemption
Cette transformation, loin d’être cosmétique, a alors produit des résultats tangibles :
- 2018 : 85% des revenus proviennent désormais des logiciels et services
- 2020 : QNX équipe plus de 175 millions de véhicules dans le monde
- 2023 : BlackBerry figure dans le « Magic Quadrant » de Gartner, outil très respecté dans l’industrie technologique et place l’entreprise canadienne comme un acteur significatif dans le marché de la cybersécurité.