
Architecte de la coopération organisationnelle et théoricien de l’autorité consentie
« L’efficacité d’une organisation dépend de la volonté de coopération de ses membres. »
Chester I. BARNARD (1886-1961)
Cadre dirigeant américain (président de New Jersey Bell Telephone et de la Fondation Rockefeller) et théoricien influent du management, Chester Barnard a développé une vision de l’organisation comme système coopératif. En opposition aux approches mécanistes de son époque, il a conceptualisé l’entreprise comme un organisme social complexe où l’autorité repose sur le consentement des subordonnés, transformant ainsi profondément la compréhension des dynamiques organisationnelles.
• Mots clefs et domaines :
Système coopératif – Autorité acceptée – Zone d’indifférence – Équilibre contributif-rétributif – Éthique organisationnelle
• Contributions majeures :
1. Théorie des organisations comme systèmes coopératifs
Théorie des organisations coopératives : Une organisation fonctionne grâce à la coopération entre individus qui acceptent de s’engager dans un système collectif.
BARNARD définit l’organisation comme un système d’activités consciemment coordonnées où la coopération représente bien plus qu’une simple coordination technique. Cette vision s’oppose frontalement aux théories tayloristes et fayoliennes dominantes dans les années 1930, qui privilégiaient une approche mécaniste et hiérarchique. Pour Barnard, l’organisation est un organisme social dynamique qui dépend de la volonté de coopération de ses membres.
Utilité et actualité : Cette approche systémique a jeté les bases des théories modernes de l’entreprise comme réseau complexe d’interactions. Elle reste particulièrement pertinente à l’ère des organisations apprenantes, du management de la connaissance et des pratiques collaboratives, groupes projet, ….
2. Concept d’autorité acceptée
L’autorité ne repose pas uniquement sur la hiérarchie mais sur l’acceptation des ordres par les employés.
Pour qu’un ordre soit accepté, il doit être:
• Compréhensible par l’employé
• Compatible avec les buts de l’organisation
• Conforme aux intérêts personnels de l’individu
• Mentalement et physiquement réalisable par l’individu
Utilité et actualité: Ce concept reste fondamental pour comprendre les défis du leadership contemporain, particulièrement dans les organisations du savoir où l’autorité formelle est moins efficace que l’influence et l’adhésion.
3. Zone d’indifférence et équilibre contributif-rétributif
BARNARD a introduit le concept de « zone d’indifférence » (rebaptisée plus tard « zone d’acceptation » par Herbert SIMON), désignant l’étendue des ordres qu’un employé acceptera sans questionner leur autorité. Cette zone s’élargit lorsque l’équilibre entre contributions demandées et rétributions offertes est favorable.
Utilité et actualité: Ce cadre conceptuel permet d’analyser finement les mécanismes de motivation et d’engagement organisationnel. Il préfigure les théories modernes sur le contrat psychologique, sur l’implication et l’engagement organisationnel.
4. Communication et fonctions exécutives
Importance de la communication dans les organisations : Une structure efficace repose sur une communication claire et un équilibre entre incitations et satisfaction des employés. Pour BARNARD, la communication constitue le fondement de toute organisation. Il définit trois fonctions essentielles du dirigeant:
• Établir et maintenir un système de communication efficace
• Sécuriser les individus
• Formuler et définir les objectifs organisationnels
5. Éthique et responsabilité du dirigeant
BARNARD a développé une conception de l’éthique organisationnelle où les dirigeants doivent créer et promouvoir des codes moraux cohérents. Il distingue la responsabilité personnelle de la responsabilité organisationnelle et souligne l’importance de l’exemplarité.
Utilité et actualité: Cette dimension éthique fait de BARNARD un précurseur des réflexions contemporaines sur la responsabilité sociale des entreprises et le leadership éthique.
L’approche de Chester Barnard a marqué un tournant conceptuel majeur dans la théorie des organisations, opérant une transition des modèles mécanistes vers une vision organique et sociale de l’entreprise. Son influence s’étend bien au-delà de son époque, nourrissant les travaux d’Herbert Simon, James March, Oliver Williamson et de nombreux théoriciens contemporains.
En plaçant la coopération volontaire, la légitimité de l’autorité et la communication au cœur de sa théorie, Barnard a jeté les bases d’une compréhension moderne des organisations. Sa vision humaniste et pragmatique continue d’éclairer les défis du management contemporain, de la gestion du changement à la construction de cultures organisationnelles efficaces, en passant par les questions de gouvernance et de leadership éthique.
• Bibliographie principale
• Barnard, C.I. (1938). The Functions of the Executive. Harvard University Press. Théorie systémique de l’organisation et rôle clé de la communication
• Barnard, C.I. (1948). Organization and Management: Selected Papers. Harvard University Press. Applications pratiques de ses concepts en gestion de crise
• Barnard, C.I. (1958). Elementary Conditions of Business Morals. California Management Review, 1(1), 1-13. Publié dans la California Management Review, cet article prolonge la réflexion initiée dans The Functions of the Executive (1938). Barnard y explore les fondements moraux du leadership, affirmant que l’efficacité organisationnelle dépend autant de la cohérence éthique que de la performance technique.
• Mahoney, J.T. (2002). The relevance of Chester I. Barnard’s teachings to contemporary management education: Communicating the aesthetics of management. International Journal of Organization Theory and Behavior, 5(1), 159-172.

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